Pour clore notre feuilleton relatif aux directives AMLD4 et AMLD5, il me semble important d’évoquer la situation où le professionnel se rend compte qu’il est manifestement face à un cas de blanchiment, voire de financement du terrorisme et dans laquelle une déclaration de soupçon se doit d’être faite.
Pour avoir vécu de près ou de loin ce genre de situation, je dois dire que se rendre compte que l’on se trouve dans une telle position provoque un choc psychologique. C’est le sentiment de s’être fait abuser, malgré toutes les mesures AML que l’on a pu prendre. Et si l’on a été proche de la personne responsable de cette situation, ce sentiment n’en est que plus renforcé.
Le tout est de rester professionnel. Il faut avoir le courage et la lucidité de passer outre ce sentiment bien humain de culpabilité et considérer froidement la situation. Il y a une infraction avérée et elle doit être traitée comme telle, sans faiblesse.
C’est le chapitre IV de AMLD4 qui traite des obligations de déclaration.
La déclaration de soupçon
Le professionnel qui a acquit la conviction de se trouver face à une situation de blanchiment ou de financement du terrorisme doit, dans les meilleurs délais, émettre une déclaration de soupçon à la Cellule de Renseignement Financier (CRF) de son pays, en fournissant un maximum d’information quant au cas concerné.
Faire l’autruche en disant que l’on n’a rien vu indique que les procédures AML du professionnel sont déficientes, c’est un signal exécrable donné vers l’extérieur. Idem si l’on décide de minimiser ou d’oublier une situation délictueuse. C’est la plus mauvaise attitude car le professionnel peut alors être considéré comme complice de l’infraction.
Quelques précisions importantes en matière de relation avec la CRF
Considérez que lorsque le dossier a été transmis à la CRF, vous n’avez plus à intervenir dans ce dossier, à moins de nouveaux éléments ou de recevoir une notification écrite de la CRF, qui vous indiquera les mesures à prendre.
Si le client demande au professionnel d’effectuer une transaction dont ce dernier pense qu’il s’agit d’un acte de blanchiment, il appartient au professionnel de sursoir à l’exécution et d’en informer immédiatement la CRF.
Il est strictement interdit au professionnel (et à ses collaborateurs) de faire état, de quelque manière que ce soit et à qui que ce soit, de l’existence d’un soupçon d’opération délictueuse ainsi que des contacts avec la CRF. Surtout, il est primordial de ne pas informer le client de la démarche vis-à-vis de la CRF et de ne pas interrompre la relation.
Il va de soi que la CRF, de son côté, traite toutes les informations reçues du professionnel de la manière la plus confidentielle.
Lorsqu’un dossier est clos par la CRF, elle informe le professionnel de l’issue du dossier de manière très générale. À ce stade, il est loisible au professionnel de rompre la relation avec le client ou pas. S’il y a rupture, ne pas perdre de vue que l’on ne peut toujours pas se référer aux relations qui ont existé avec la CRF et aux éventuelles informations qui auraient pu être recueillies dans ce cadre.
Les sanctions
Le non-respect des dispositions découlant des 4° et 5° Directives est sanctionné de mesures très lourdes. L’article 59 de AMLD4 envisage des sanctions d’un montant au moins égal au double de l’avantage perçu par le professionnel. Pour les sanctions applicables dans propre juridiction, il convient de se référer aux textes légaux de transposition du pays.
Au delà des sanctions proprement dites, infligées par les organismes publics, il faut prendre en considération le risque médiatique auquel le professionnel pourrait être exposé s’il était éclaboussé par une affaire de blanchiment ou de financement du terrorisme. De quoi détruire instantanément une réputation acquise par des années de travail ! Des sanctions peuvent également venir des organes professionnels qui sont en droit de blâmer, de suspendre momentanément ou définitivement l’activité du professionnel.
L’archivage et la conservation
Sachez que tous les documents et pièces relatives aux travaux AML doivent être conservées par le professionnel durant 5 ans, après la fin de la relation. Cette obligation d’archivage est également d’importance et conditionne l’efficacité des recherches judiciaires qui pourraient intervenir après la fin de la relation avec le client.
Nous clôturons ainsi notre tour d’horizon général de AMLD4 & AMLD5. L’actualité en matière de registre des Bénéficiaires Effectifs est encore riche et j’ai en préparation, à votre attention dans les prochaines semaines, une série de posts sur ce sujet. Merci pour votre lecture.
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