Parmi les sujets traités lors de la récente conférence européenne ACAMS à Londres, savoir comment déterminer l’origine des fonds de la Clientèle a été jugé comme étant la question la plus sensible par les différents orateurs.
Lesquels ont fait un rapide sondage dans la salle d’où il ressort que 76% des participants mettent cette préoccupation en haut de la liste.
Deux situations différentes sont à traiter : à l’entrée et durant la relation.
Déterminer l’origine des fonds lors de l’entrée en relation
C’est la situation la plus délicate. Le Client a manifesté son intention d’établir une relation d’affaires avec nous; dans un tel cas, quel Manager va-t-il faire la fine bouche ? Tout le monde est heureux de compter un nouveau Client.
J’ai traité dans mon précédent post de la question de l’identification du Bénéficiaire économique. Concrètement, cette question étant résolue, il faut entrer dans le détail. Et donc aborder la question de l’origine de la fortune du futur Client.
Beaucoup de professionnels rechignent à aborder la question de manière franche. Je pense que c’est une erreur et qu’il faut tout d’abord faire preuve de pédagogie, expliquer l’existence des dispositions légales et affirmer notre souhait de rester en conformité avec la Loi. Faire ressortir que ce strict respect de la Loi est un gage de qualité de nos équipes et des services proposés au Client. Je prends souvent l’exemple du panier de pommes : pas de mauvaises pommes dans le panier pour éviter que la pourriture ne contamine tout le panier. Donc pas de « mauvais client » chez nous …
Si le Client n’est pas réceptif à ces idées, je pense qu’il y a lieu de s’en méfier très sérieusement et de réaffirmer fermement notre attachement à nos principes, quitte à ne pas poursuivre l’entrée en relation. Pédagogie et fermeté.
Une fois la pédagogie ayant fait son effet, il y a une démarche simple qui me semble indispensable : demander un CV. Cela permet ainsi de retracer le parcours professionnel du Client et de mieux cibler la recherche d’informations quant à l’origine des fonds.
- le Client a-t-il eu un carrière de chef d’entreprise ? Demander les bilans des exercices antérieurs de ses sociétés auprès des organismes officiels nous éclairera;
- le Client a-t-il cédé son entreprise ? Il pourrait nous transmettre une copie de l’acte de cession. La nouvelle fonctionnalité de recherche de IBAKUS®KYC dans les actualités du Web peut également nous aider;
- le Client a-t-il hérité ou reçu donation de son patrimoine ? Un acte d’héritage / de donation peut nous être transmis en copie.
Déterminer l’origine des fonds durant la relation
Lorsque la relation a été formalisée, on est en droit d’espérer qu’un bon niveau de confiance a été établit. Ce niveau de confiance implique que le Client a bien compris qu’il doit nous tenir régulièrement informés des transactions qu’il opère.
Dans le cas où nous agissons en tant de mandataire fiduciaire, il est indispensable d’être tout à fait bien documenté sur l’opération avant de passer à son exécution. Pas de justification = pas d’opération.
Dans le cas où nous intervenons à posteriori, comme par exemple dans le cas du comptable teneur des comptes, le fait que l’opération douteuse ait déjà été effectuée ne change en rien notre position. La réception régulière de pièces justificatives est une nécessité pour un accomplissement correct de la mission.
Il peut arriver que certaines opérations, généralement sensibles, fassent l’objet d’un « oubli » de la part du Client. Dans ce cas, il faut prendre le pli de relancer le Client tout en créant une tâche manuelle à ce propos dans IBAKUS®TASKS afin de ne pas perdre la question de vue. La 3° relance doit être ferme et précise tout en donnant une date-butoir pour la réponse. Si au delà de cette date butoir aucune information n’a été reçue et que des montants significatifs sont en jeu, il faut envisager très sérieusement une démarche de déclaration de soupçon auprès de la Cellule du Renseignement Financier dont vous dépendez.
Ce sera la CRF pour le Grand Duché de Luxembourg, Tracfin pour la France ou la CTIF/CFI pour la Belgique.
Beaucoup de professionnels ont une réticence vis à vis de cette démarche. Je pense qu’il s’agit là d’une position certes compréhensible mais néanmoins tout à fait déplacée car :
- la déclaration de soupçon est une démarche clairement mentionnée dans les textes légaux et à laquelle il n’est pas possible de se soustraire;
- négliger cette démarche expose le Professionnel au risque de se voir considéré comme complice d’une infraction, donc à être exposé à des sanctions graves;
- moralement parlant, même si on peut avoir l’impression de « trahir » la confiance du Client, on doit plutôt considérer qu’il n’est pas acceptable de participer, même de manière passive, à une infraction
A nouveau, dans ce genre de situation, passer du temps pour faire de la pédagogie auprès du Client est une attitude positive. Lui expliquer que documenter l’opération litigieuse lui évitera de sérieux ennuis et que même si nous devons entrer dans ses « petits secrets », notre déontologie nous impose le plus strict secret et la plus neutre des neutralités.
Après tout, il est quand même libre de disposer de son argent … légalement …
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